05 juillet 2007

Attention, polémique!

Un article un peu construit appelle le retour de la rubrique des trucs du moment...

Musique :
DJ Cam - The Beat Assassinated
Film :
Lucky Number Slevin
une réplique culte à la minute
Bouquin :
Douglas Kennedy - Cul de sac
un excellent petit bouquin, dévoré d'une traite. Merki Sarah ^^

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Attention, comme le titre l'indique, je vais aborder ici un sujet sérieux/grave/épineux/polémique. Je vais donc commencer par les précautions d'usage : ce que j'écris ici reflète mes opinions personnelles, que je ne cherche en aucun cas à imposer à qui que ce soit. Je suis ouvert aux critiques si elles sont constructives, mais je ne cherche pas à ouvrir un débat. Le but est plutôt d'attirer l'attention sur le problème, il appartient ensuite à chacun de se faire sa propre idée (s'il n'en a pas déjà une); pour ma part, j'ai suffisamment débattu le sujet récemment, merci.

La polémique en question, bien que récurrente, a été déclenchée par la récente déclaration du ministre de la défense japonais Fumio Kyuma, qui disait en substance :
« Les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki ne pouvaient être évités. » (source)
Et de continuer en disant qu'ainsi la capitulation japonaise avait été accélérée et l'invasion russe évitée. Ledit ministre est connu pour son franc-parler (un trait pas très courant par ici) et ses déclarations polémiques. Il est de plus député de Nagasaki, ce qui n'arrange pas spécialement les choses.
Comme on peut s'y attendre même sans connaître la politique japonaise, cette déclaration pas très politiquement correcte (surtout sortie du contexte) lui a valu un tollé général et un levé de boucliers monstrueux. Avec à la clé, mardi, sa démission forcée du gouvernement.

Alors je pourrais argumenter des heures, comme beaucoup le font en ce moment, sur la justification ou non de ces bombardements. C'est un grand classique de la prise de bec depuis plus de 60 ans maintenant, en usant et abusant de tous les arguments possibles et imaginables (pour ne pas dire imaginaires)... Pendant ce temps, les faits historiques clés eux-mêmes se sont perdus dans mes méandres de l'histoire et des manipulations politiques. Et quand bien même ils seraient avérés, les gens continueraient sans le moindre doute de se mettre allègrement sur la gueule à ce sujet.
Je vais donc les laisser faire et passer directement à la suite.

Ce qui m'a vraiment interpellé dans cette affaire, c'est la violence et la rapidité avec laquelle le gaillard s'est retrouvé lapidé sur la place publique, pour avoir osé dire ce que bon nombre d'historiens sérieux considèrent aujourd'hui comme une réalité (D'ailleurs, Hirohito lui-même avait déclaré exactement la même chose en 75, même si dans un contexte différent... source).
À moi, ça me semble plutôt symptomatique d'un refus total et borné d'assumer la responsabilité d'une quelconque faute commise pendant la guerre. Une vilaine tendance japonaise au négationnisme et au révisionnisme...

Petit rappel de politique du japon :

Le nationalisme japonais présente trois particularités. D’abord il est revendiqué par des responsables présents au sein même du pouvoir. Nous n’avons pas de Haider ou de Le Pen, parce que chez nous, les extrémistes ont trouvé grâce au sein même du gouvernement et du parti au pouvoir, le Parti libéral démocrate (PLD) dont l’actuel chef de file est le Premier ministre Shinzo Abe.
Ensuite, les nationalistes au pouvoir ne cachent ni leur sympathie ni leur nostalgie pour l’ancien empire militaire du Japon. Des responsables au pouvoir répètent que le Japon d’après-guerre n’a pas à faire de repentir pour ses crimes passés, dans la mesure où la guerre que le «Grand Japon» mena en Asie alors, fut, d’après eux, une «guerre de libération» des peuples d’Asie de la domination occidentale. [...]
Enfin, le nationalisme japonais est ouvertement ethnique. Il refuse la logique de l’Etat moderne et le contrat social depuis Thomas Hobbes. Il comble en vérité un vide creusé par le retrait de l’Etat à l’ère de la globalisation. Or, la nation prise au sens ethnique, c’est à mon avis très dangereux.
Extrait d'article paru dans Libération (source)

Charmant n'est-ce pas ?

Pour ceux qui comme moi on dormi/joué à la bataille navale en cours d'histoire au lycée, rappels rapides de quelques faits sur le Japon des années 30-40:
-Durant cette période, le japon était dirigé par l'empereur Hirohito,
qui était encore considéré à l'époque comme un descendant de la déesse Amaterasu et donc une divinité incarnée (akitsumikami). Il prône la supériorité ethnique du peuple japonais et lance une campagne de "libération de l'asie", car la
mission divine du Japon est d'unir les huit coins du monde sous un seul toit (Hakko ichiu) - c'est la tristement fameuse politique nationale du Kokutai.
-C'est sous ce prétexte que la Chine sera envahie. La liste des atrocités japonaises commises à cette période est longue comme le bras, et contient des items aussi charmants que le massacre de millions de civils et l'utilisation d'armes chimiques et bactériologiques (dont la peste).
-Aveuglés par leur croyance en l'empereur, le Kokutai et le Bushidō (code d'honneur du samurai), l'armée impériale se battait systématiquement jusqu'au dernier homme et allait jusqu'au suicide collectif pour éviter la capture, voire à encourager des civils à faire de même (source).

Ces faits sont évidemment biaisés pour illustrer mon argument, mais ils restent des faits. Et pourtant, si vous demandez à un japonais de vous résumer la seconde guerre mondiale, il y a de fortes chances qu'ils vous répondent : "il y a eu une guerre dans le Pacifique, puis les bombes A ont été lâchées sur Hiroshima et Nagasaki". Le traumatisme de ces bombardements est compréhensible, mais les japonais se posent systématiquement en victimes absolues. Expansionnisme, crimes de guerre ?
Jamais entendu parler...
Alliance tripartite ?
C'est quoi ça ..?
Le devoir de mémoire admirablement réalisé en allemagne n'a pas cours au Japon. Les responsables politiques continuent de soutenir qu'il n'y a pas lieu de s'excuser pour l'annexion d'une partie de la Chine et de la Corée, qui était une "libération des frères d'asie"; de nier les exactions commises, bien qu'elles soient prouvées; d'aller régulièrement payer leurs respects à des criminels de guerre de classe A, farouches partisans de l'alliance avec Hilter et Mussolini, au sanctuaire de Yasukuni...
Et ne parlons même pas des manuels scolaires...

Alors oui, sans aucun doute, les bombardements atomiques sont une tragédie, un de ces moments de l'histoire que que l'on souhaite ne jamais voir se reproduire. Et ce, que la fin ait justifié les moyens ou pas. Mais il en va de même pour toutes les atrocités qui ont eu lieu pendant cette guerre, et il faudrait voir à ne pas trop oublier que le japon est à l'origine d'une part non négligeable de celles-ci...
Le nombre des civils tués en Chine par l'armée japonaise entre 37 et 45 est estimé à presque 4 millions. Le massacre de Nanking a lui seul a fait plus de morts que les bombes A.
Alors si le japon voulait bien faire son travail de mémoire et admettre ses erreurs passées, ils seraient parfaitement en droit de se plaindre encore et encore de ces bombardements. Mais nier absolument ses propres crimes d'un côté et se poser constamment en indiscutable victime de l'autre... Ce n'est pas ce que j'appelle une position tenable.

Vous savez ce qu'on dit sur ceux qui ne connaissent pas l'histoire...

Article largement inspiré de GaijinSmash, ainsi que de divers débats et articles Wikipedia

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